Mon cher Victor,
Comme je le disais à ma marraine très récemment, je sens que je mûris en tant que maîtresse. Encore heureux ! Je te signale que tu termineras bientôt ta PE2 ! Certes. Mais tout de même... Même si c'est le cours normal des choses, ça fait du bien de le constater, ça rassure ! C'est bien gentil de dire ça, Mirabelle, mais moi, je veux des preuves ! Bon. Te souviens-tu de cet article, Victor ? J'y évoquais mes premiers pas de maîtresse PE2, des premiers pas chancelants... Un rien me déstabilisait ! Je vois encore ta mine déconfite... Tu me faisais part des remarques très directes de ton IMF... Tu étais toute retournée !
Eh bien j'ai eu, cette semaine, la preuve irréfutable que j'avais progressé. Aaah ! Comme tu le sais, pour mon mémoire, j'eus à effectuer des séances d'anglais dans une classe. Je choisis une classe de CE2. La classe de Madame B., justement, dont je t'avais parlé avant de partir en Angleterre. J'ai mis longtemps à oublier une des phrases qu'elle m'avait dite : "Les enfants n'ont rien appris". J'ai dû faire un gros effort sur moi-même pour tirer un trait sur cette phrase, pour me donner une chance d'être une bonne maîtresse un jour. Passer à autre chose devenait inévitable, ma pauvre petite fille... On ne peut pas rester figé sous le poids d'un passé qui nous obsède ! C'est pourquoi, à mon retour d'Angleterre, en concevant mes séances d'anglais, je repris contact avec cette IMF. Je ne devais pas rester sur un échec. Et elle accepta de m'accueillir de nouveau dans sa classe.
Je retrouvai alors les élèves. J'étais un peu émue, car cela me propulsait quelques mois en arrière, quand je n'étais qu'une petite débutante un peu décalée quant à la réalité de l'enseignement. Et là, en ce mois d'avril, je n'étais plus la même. Le SR2 avait fait de moi une presque-maîtresse un peu plus efficace. J'apprends peu à peu à me blinder, Victor, et à ne pas faire d'une séance ratée le symbole de la nullité de ma carrière future. Un grand pas vers la maturité, effectivement ! Bref. Je pris en charge quatre séances d'anglais dans cette classe, à raison de deux séances par semaine. Madame B. me donnait des conseils, fit avec moi les bilans de mes séances, et quoi qu'elle put dire, je n'en fus pas blessée.
En fin de séquence, je fis parvenir une évaluation à Madame B., évaluation qu'elle donna à faire à ses élèves. Elle me la transmit ensuite pour que je la corrige. Quand elle récupéra les copies, elle en dressa un petit bilan qu'elle me fit parvenir par l'intermédiaire d'un petit mot dans mon casier à l'IUFM. Dans ce petit mot, elle me remercia pour mon intervention et mon travail. Selon elle, les enfants étaient ravis de ces séances. Et quant à elle, elle jugea... Elle jugea ? Que les enfants avaient appris ! Aaaaah ! Intéressant !!! Tu ne peux pas savoir combien je me suis sentie heureuse, Victor, en lisant cette phrase. C'était comme une revanche. Une revanche sur moi-même. J'ai souri. J'aurais embrassé la terre entière. Au lieu de ça, je suis rentrée chez moi, tranquillement.