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Cher lecteur,

Exceptionnellement, nous nous adresserons à toi directement : ce site n'est en aucun cas une biographie de Victor Hugo. Alors si tu pensais trouver ici la vie de notre Totor national en long, en large, et en travers, passe ton chemin !

 

Pour bien comprendre les propos de nos deux protagonistes :

1° Des caractères gras de couleur bleue quand Victor s'adresse à Mirabelle

2° Une police des plus classiques quand Mirabelle s'adresse à Victor

 

Sur ce, bonne lecture !

 

Un Mot Au Vol ?

Papotage ArchivÉ

Opinion


Et si vous nous faisiez part de votre opinion ?

Victor mène l'enquête.

Parce que Mirabelle se le demande !




personnes ont écouté la conversation entre Mirabelle et Victor depuis leur rencontre.


Aujourd'hui, à :

il y a personne(s) qui papote(nt) avec Mirabelle et Victor.


La requête de Victor :

  • Parce que Mirabelle et moi-même aimons beaucoup de gens... Allez donc jeter un coup d'oeil à notre tour de tables !
 

Nos recommandations :

  • Un clic et vous y êtes... Si vous souhaitez quelques conseils pour guider votre lecture, bien entendu !



Lexique IUFMesque à l'usage des non-initiés :

  • Mirabelle, dans son infinie bonté, a daigné me proposer (ainsi qu'à toi, ô lecteur non affilié à l'Education Nationale !) un lexique de rattrapage, sensé me donner les repères indispensables à la compréhension de deux rubriques.


20 décembre 2017 3 20 /12 /décembre /2017 23:31

Mon cher Victor,

Je ne sais pas si tu es toujours assis, à la terrasse à m'écouter. Si tu es parti, sache que je ne t'en veux pas. Au fond, tu ne connais pas celle que je suis devenue. J'ai presque trente-quatre ans, deux enfants. Ah si, tiens, tu es toujours là, je t'aperçois, à une autre table, dans un coin, seul, les bras croisés. Tu boudes ? Allez, tu as bien le droit. Des années, cela fait des années que tu m'attends, fidèle au poste, fidèle à ce que nous étions. Pourtant, malgré tout ce temps écoulé, sache-le, je ne t'ai jamais oublié. Jamais. Je n'ai jamais oublié non plus celle que j'étais lors de nos conversations, plus jeune, plus belle (ou moins moche !). Et c'est tellement décevant de ne plus être vraiment cette fille-là...

Il va mourir. Mon oncle va mourir. Mon père, lui, est passé pas loin. On a, comme on dit, eu "de la chance", si on peut dire ça comme ça, jusqu'à la prochaine fois. Il a un mélanome mon père. Opéré lundi soir. A surveiller, ils lui ont dit, et mon médecin a ouvert de grands yeux : "Un mélanome ? C'est très grave ça !". Psychologie, tact : zéro. Il a été opéré. "On a tout retiré", qu'ils ont dit : "On a retiré tout autour aussi, par précautions.". Maintenant, il a un beau Z en guise de cicatrice. Chouette. Et je tremble.

Entre temps, le cancer du poumon de mon oncle s'est aggravé. Parce que mon oncle le seul l'unique, "le mythe, la légende", comme dirait le tee-shirt que je lui ai acheté pour Noël et qu'il ne verra sans doute pas, parce qu'il sera sans doute parti avant, est malade . Depuis moins d'un an, il se bat contre cette saloperie. Métastases. Six, sept. Plusieurs, au cerveau, dont une de sept centimètres sur quatre. J'ai du mal à imaginer que ce soit possible. Il va mourir. Cela me semble inconcevable. C'est une question de jours. Tu fais toujours la tête ? Oh, allez, même après ce que je te raconte ? J'ai pourtant tout pour t'amadouer, éveiller ta pitié. Tout est vrai, Victor, tout. Malheureusement. Ca fait sept jours qu'on le sait. Il en a peut être autant à vivre.

Je m'en vais, Victor. Ah tiens, tu te lèves, me regardes, esquisses une moue embêtée. Puis-je m'approcher ? Il y a si longtemps. La vie est impitoyable, on vit et puis un jour on se réveille, on réalise qu'on n'a pas visité de vieux amis, et ce depuis une éternité.

Je peux t'enlacer Victor ? Je vais pleurer, je le sens. Je me sens seule, touchée par la mort. Tu la connais, toi, la mort hein. Léopoldine, puis Adèle... Comment tu as fait ? Mais comment tu as fait ?

Je ne peux pas admettre la vie. Telle qu'elle est. Mon oncle va mourir, mon père pleure en cachette et je me sens sans illusions. Est-ce que c'est ça Victor, grandir ? Ou est-ce que c'est être adulte ?

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24 février 2015 2 24 /02 /février /2015 11:55

L'autre jour, en rangeant, encore et encore, des cartons, et encore des cartons, et de nouveaux cartons, dans notre nouvelle maison, j'ai retrouvé tout un tas d'anciens journaux intimes, tout un tas d'anciennes photos, ma vie, finalement, au travers des pages des cahiers et des carnets, de mes douze à mes vingt-cinq ans, des autocollants sur les couvertures, des coeurs, des prénoms, des dessins, la transformation de mon écriture, un tracé d'enfant à celui d'adulte, ça fait drôle, tout ça, quand on est enceinte pour la deuxième fois, et avec le même homme depuis presque six ans, comme si ça y est, les fondations étaient bien solides, comme si, simplement, on voyait défiler devant ses yeux tout le cheminement pour en arriver là, à la stabilité. J'étais assise contre un mur dans la chambre de Bébé numéro 2, cette chambre qui sent encore la peinture, cette chambre qui est presque prête mais pas encore, j'étais assise là et j'entendais Chéri qui faisait de la pâte à modeler avec notre fille au rez-de-chaussée, son rire de petite fille qui illuminait la maison toute entière, toute l'application, le bonheur de son père à la faire rigoler. 

J'ai passé deux heures seule dans cette chambre. A lire. A sourire. Les larmes aux yeux parfois. A réaliser que j'ai passé du temps à essayer de ne rien oublier, alors qu'il y a tant de choses, tant de choses qui étaient passées à la trappe, tellement de personnes oubliées, qui comptaient tant, pourtant, sur le coup. Certaines disputes de mes parents quand j'étais ado. Des mots qui font mal avec ma petite soeur. Des serments d'amitié pour toujours, avec Lui, avec Elle, Lui et Elle que je ne vois plus. Ma première véritable histoire d'Amour, dont j'ai oublié tellement, l'attachement de mes parents pour Lui, ses parties de tennis avec mon père, ma mère qui l'aimait bien malgré ses maladresses, nos disputes innombrables, nos ruptures incessantes, et pourtant l'Amour, tellement d'Amour au travers des pages, tellement de choses importantes que j'avais oubliées, je ne me souvenais pas, par exemple, qu'il m'avait demandé de venir vivre avec lui à R., je me souvenais qu'il m'avait parlé d'enfant, oui, mais pas de vie à deux, et la première chose que je me suis dite, en lisant cela, noir sur blanc, au travers des pages, c'est "Mais alors il a dû m'aimer vraiment aussi". C'est fou comme on oublie. Même des mots qui auraient dû marquer davantage. Je me demande si Lui s'en souvient. Je l'ai vraiment aimé. Vraiment détesté aussi. Les deux en même temps. Beaucoup haï après, je crois que c'est ça qui m'a aidée, d'ailleurs, toute cette colère contre lui, tout mon amour propre qui s'est dressé contre le chagrin. Aujourd'hui, qu'en reste-t-il ? Je ne sais pas vraiment. De la tendresse je crois.

Je l'ai vu il y a quelques mois. Dans une jardinerie. Il était avec femme avec fils. J'étais avec Chéri et fille. On s'est retrouvé nez à nez autour d'un enclos. Nos deux petites familles, nos deux enfants à admirer des ânes manger du foin. Je l'ai à peine regardé. Je ne sais pas s'il m'a vue. J'imagine. Je l'ai trouvé vieilli. Je me suis trouvée vieillie aussi. J'avais mon bidon de femme enceinte qui pointait bien déjà. Je me suis demandée s'il l'avait vu. C'est passé très vite. Je n'ai pas regardé longtemps. On est parti. On allait au restaurant tous les trois. Notre fille piaffait d'impatience, hurlait de joie. Cela s'est résumé à ça. Nous deux, soudain, au milieu de la vie, autour d'un enclos, nos sentiments d'autrefois ensevelis sous le temps qui passe, qu'en reste-t-il, un vague sentiment difficile à décrire, un je ne sais quoi, parfois j'ai l'impression que lui qui débarque en Angleterre en pleine nuit, par surprise, à l'improviste, comme dans les films, rien que pour me voir, c'était hier, parfois j'ai l'impression que lui et moi dans les vagues, dans les rouleaux de la mer, à rire comme des gamins que nous étions sans doute, c'était hier. Peut être parce qu'on ne se voit pas vieillir. Parce que j'ai encore l'impression d'avoir vingt ans. D'être une jeune instit' en formation. Alors que les stagiaires me vouvoient et me demandent "comment c'était au temps de l'IUFM".

En fait, je ne sais pas pourquoi j'écris tout cela ici. Peut être l'effet du temps qui passe. Peut être parce que je suis une grande sentimentale, et que je sais pertinemment, au fond, que ce qui a compté pour moi naguère comptera toujours, d'une manière différente de ce qui compte au présent, dans la vie, dans la réalité, dans la présence rassurante de Chéri, dans les câlins du soir de ma fille, dans les petits coups de pied dans les côtes que m'envoie de mon fils.

Je sais que lui aussi va être de nouveau papa. Nous serons tous les deux de nouveau parents. A la même période. Au même moment. Exactement comme pour nos premiers enfants respectifs.

La vie est d'une telle ironie... Une ironie délicieuse... Elle nous aura fait deux fois le coup la coquine. Je me demande si comme moi, il trouverait ça drôle, les facéties de la vie, tout ça...

Un jour, il faudra que je songe à en écrire un bouquin. Ca pourrait faire une histoire intéressante, tout ça. Oui, il faudra que j'y pense.

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30 octobre 2014 4 30 /10 /octobre /2014 13:36

Mon cher Victor,

 

Mon Diiiiieuuu la mine que tu as ! Ah Victor, si tu savais, il m'en arrive encore de belles... Assieds-toi. Tu as l'air d'un cachet d'aspirine ! La vie tient parfois à un cheveu. Quelle entrée en matière ! Tu me fais peur ! C'est vrai que ma manière d'aborder les choses est un peu abrupte, j'aurais dû prendre davantage de gants, d'autant que je ne te rends plus visite très souvent. Taratata... Tu me rends visite quand tu le veux, quand tu le peux ! C'est déjà bien qu'après autant d'années tu n'aies pas rompu le lien ! Allez, venons-en au vif du sujet : que t'est-il arrivé ?

Je ne sais par où commencer. Je suis enceinte. Mon Amoureux et moi-même aurons un petit garçon pour la fin-mars mais... Aaaah ! Mais c'est une excellente nouvelle ça !!! Félicitations ! Ne te réjouis pas trop vite mon Victor. Tu n'es pas sans ignorer que les grossesses, chez moi, ne sont pas de tout repos. Pour la première, j'aurais pu y laisser ma peau, j'espérais autre chose pour la seconde mais malheureusement, au bout de quatre mois, j'ai déjà connu quelques épreuves. Aïe aïe aïe... De quel ordre ? Tout avait pourtant bien commencé. Je me suis retrouvée très vite enceinte, beaucoup plus vite que je ne l'avais imaginé, sans vouloir être vulgaire j'ai eu un peu l'impression qu'il me suffisait de retirer ma culotte pour être enceinte. Mirabelle ! Tu ne m'avais pas habitué à ce genre d'humour ! Bref. Chéri et moi-même nous sommes retrouvés un peu surpris, car nous n'avions toujours pas vendu l'appartement, et deux enfants dans soixante mètres carrés, comment dire, j'ai pensé à des scènes de bagarre dignes de celles des Simpsons, avec la poële à frire dont je m'assomerais le crâne. Mais enfin, vogue la galère, c'était reparti pour un tour, et avec la petite barre violette sur le test de grossesse, c'était la peur de prééclampsie qui refaisait surface. Car je ne suis plus seule. J'ai pensé à ma fille. J'ai eu peur, je me suis trouvée bien égoïste de vouloir lui faire un petit frère ou une petite soeur, et puis la batterie d'examens a commencé, l'angoisse, la peur de perdre cet enfant, les semaines se sont succédées, tout s'est bien passé d'abord, jusqu'à ce fameux soir où ma gynéco m'a téléphoné. C'était suite à cette fameuse prise de sang pour la trisomie. Pas de panique, m'a-t-elle dit, votre risque est tout à fait normal, mais par contre vous avez un marqueur très bas, et dans ce cas-là le protocole veut que l'on fasse une échographie. Le protocole... Pour être sûr... Oh la la...

J'ai passé quinze jours dans la peur. Hors de question pour nous d'avoir un enfant trisomique, c'est sans doute horrible, ce que je te dis là, mais c'était évident, et je pensais à ma fille, je pensais à mon couple, je me disais que j'avorterais, ce serait dur, horrible, et Chéri disait qu'on en avait vu d'autres, qu'on surmonterait ça... Quinze jours pleines de questions et je passais finalement cette échographie. Bébé au développement normal. Un beau petit garçon. L'instant en suspens où je me suis laissée aller à être heureuse, parce que nous avons déjà une fille et que c'est un p'tit mec, quel bonheur, quel bonheur fugace. Fugace ?

Quinze jours après j'étais à l'hôpital. Trois jours de maux de tête atroces, à vomir tout ce que je mangeais. La nuque raide. Eblouie par la lumière. La fièvre qui ne descendait pas. Les comprimés de paracétamol que j'avalais, qui ne changeaient rien, absolument rien. On est allé aux urgences. J'avais déjà une idée de ce que c'était. J'avais peur qu'on me la confirme. On m'a fait des prises de sang, un scanner, une ponction lombaire. Le verdict est tombé. Méningite. C'est pas vrai ? Mais c'est très grave une méningite ! Le résultat de la ponction n'était pas "normal", ils m'ont expliqué, une histoire de leucocytes trop élevés, je ne comprenais rien, j'avais mal au crâne, je pensais à ma fille, à ma famille, je pensais à ce bébé dans mon ventre bien sûr, et Chéri qui serrait les dents à côté de moi... On m'a parlé de cultures à faire, pour savoir de quel germe exactement il s'agissait. On a vite écarté une bactérienne, sans quoi je ne serais sans doute pas là pour te parler, mon pauvre Victor. Grâce à Dieu ! On m'a toutefois précisé qu'il y avait énormément de sortes de méningites virales, certaines beaucoup plus agressives que d'autres, et on m'a dit, on m'a dit surtout qu'il y avait "un certain risque de fausse couche". Là-dessus, on m'a emmenée en fauteuil roulant dans le service gynéco, le service grossesse patho était plein, et on m'a mis en isolement. Pendant deux jours, je n'ai pas vu le visage des infirmières, juste des blouses vertes, des masques verts, des charlottes vertes qui venaient changer ma perfusion. On me demandait de tourner la tête de l'autre côté pour leur parler, et je n'avais rien d'autre à faire qu'attendre, attendre et pleurer, attendre que les antibiotiques fassent de l'effet, attendre qu'on en sache plus sur ce fichu germe, pleurer en pensant à ma fille qui elle aussi pleurait au téléphone, à Chéri qui ne pouvait pas s'approcher à moins d'un mètre cinquante de moi, qui ne pouvait pas m'embrasser, pas me toucher.

Et puis un matin on a levé l'isolement. Certains germes étaient écartés. Pas tous. On me parlait encore de la méningite à listéria, qui peut être fatale pour le foetus. Ma fille est venue. Elle a été très impressionnée par la perf, ne s'approchait que très peu : "Tu as des bobos maman ?".

Je suis restée quasiment cinq jours à l'hôpital. Une éternité. On m'a fait sortir en me disant que toutes les méningites les plus agressives avaient été écartées. Une ordonnance de paracétamol plus tard, j'étais de retour à la maison.

Je peux le dire maintenant. J'ai cru que j'allais mourir. Tout le temps où l'on ne savait pas, tout le temps où les antibiotiques ne faisaient pas encore d'effet, j'ai eu le temps de penser à ma vie, à celle que j'étais, à celle que je suis devenue, j'ai eu le temps de penser à ma fille, à son père, à mes parents, ma soeur. J'ai eu le temps de penser aussi à ceux que j'ai tellement aimés, des ami(e)s avec qui je me suis fâchée, que je n'ai pas revus, auxquels je pense souvent, j'ai eu le temps de penser aux hommes que j'ai aimés, avec qui ça s'est fini comme ça, sans un mot, du jour au lendemain, et je me disais si je les avais en face de moi, tous ces gens qui ont compté, qu'est-ce que je leur dirai, je savais, je savais ce que j'allais dire, il y a tant de choses que je n'ai pas pu leur dire, et eux, eux, que me diraient-ils, qu'auront-ils gardé de moi, quelle image, de la tendresse, un peu j'espère, un bon souvenir.

J'ai eu le temps de penser aussi à ces rêves que je n'ai pas exaucés. A cette écrivain célèbre à qui j'ai envoyé les cinquantes premières pages de mon roman, qui les trouve "abouties et fortes", qui me dit qu'"elle pourra m'adresser à des éditeurs", qui me tire "son chapeau", qui est "épatée", j'ai eu le temps de penser à ça ,à celle que j'ai toujours été, à celle que j'ai oubliée un temps. L'écriture, c'est moi. Les livres, c'est moi. Ca a toujours été moi. Je ne serai jamais une grande sportive. Jamais une championne de France de je ne sais quelle discipline, ça m'a longtemps complexée, très longtemps. Plus maintenant. Je ne serai jamais mannequin, je n'en ai ni la taille ni la beauté, mais je sais aussi que cela n'aurait pas été mon truc, cela n'aurait tout bêtement pas été mon truc, moi j'aime les mots, j'aime les phrases, les histoires, l'imagination, j'aime ce qu 'on ne dit pas, ce qu'on tait, ce qu'on devine, ça c'est moi. J'ai eu le temps de penser à tout ça. A la vie à laquelle je tenais tant, à ceux que je ne voulais pas quitter.

Et puis je suis rentrée chez moi. J'ai retrouvé ma fille qui observe les bleus sur mes bras : "T'es plus à l'hôpital, Maman, tu es guérie ?", qui a encore peur quand je m'allonge pour me reposer. Je me sens très fatiguée. Les médecins m'ont prévenue. On s'en remet entre quatre jours et trois mois, cela dépend du métabolisme, et "sachant que vous êtes enceinte, cela peut être long, autant vous le dire". Je suis fatiguée et pourtant si vivante. J'ai encore une fois l'impression d'être passée à côté du pire. J'aime la vie. J'ai peur du temps qui passe, peur d'être oubliée, peur de n'avoir pas compté. Mais j'ai encore tellement de choses à faire, à me prouver. Avoir ce beau petit garçon. A terme cette fois, je l'espère. Ecrire ce livre. Etre publiée. Continuer à aimer mes parents, à m'en occuper, eux qui ne sont plus si jeunes, ma soeur qui est loin, ma soeur si différente, mais avec laquelle j'arrive à parler aujourd'hui. Mon Amoureux bien sûr, sans qui je ne m'imagine pas. Ma fille. Que j'aime plus que tout.

Je m'appelle M., j'ai trente ans, j'en aurai trente-et-un en février, j'ai un Amoureux depuis cinq ans, bientôt six, j'ai une petite fille merveilleuse de deux ans et demi et un bébé qui gigote dans mon bidon. Je m'appelle M. et j'écris. Je m'appelle M. et je veux être écrivain.

Voilà qui je suis, et j'ose le dire enfin.

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25 avril 2014 5 25 /04 /avril /2014 23:18

Mon cher Victor,

Samedi dernier, j'ai vécu un moment un peu étrange, comme un retour sur mes propres pas. Ah ? Je suis revenue un peu vers Lui, celui que j'ai aimé, longtemps, le Premier. Tu l'as revu ?! Non ! Mon Dieu, non, pas du tout ! Et tu sais bien, Victor, que si jamais cela se produisait, lui et moi passerions notre chemin, tout bonnement ! Eh bien alors ?

Eh bien alors il est curieux de constater comme l'on garde la mémoire de certains endroits. C'est un puissant torrent de souvenirs qu'ils sont capables d'éveiller en nous... Mirabelle, je ne te suis pas !

Autrefois, nous étions quatre. QUATRE ?!? Enfin quatre... Ne commence pas à imaginer n'importe quoi ! 2 couples d'amis : Lui et moi, C. et J.B. On était quatre, et on s'entendait bien. Et puis un jour, voilà, tu sais bien, il est parti, sans vraiment partir, sans oser le dire franchement sans doute, on passait la nuit ensemble ce soir-là, il rentrait tout juste du ski, le matin il me disait que "la balle était dans mon camp", me disait qu'il m'aimait, puis silence radio : trois jours plus tard, c'était fini, il y en avait une autre, j'avais eu le courage de le lui demander, et lui celui de me raccrocher au nez. J'ai refusé tous ses appels. Je n'ai pas revu C. et J.B, du moins pas tout de suite, j'ai juste appris que la "transition" entre elle et moi avait été très vite faite d'après ce que j'ai compris, et puis j'ai senti aussi qu'il me faudrait du temps, beaucoup de temps, avant de revoir, de pouvoir revoir, ces deux personnes que j'appréciais, ces deux amis, sans le voir Lui à travers eux. Ils ont eu un enfant. Je ne l'ai pas vu enceinte. Le temps a passé. L'eau a coulé sous les ponts. L'année dernière, elle a de nouveau attendu un bébé. Cette fois, je l'ai vue, splendide, le ventre bien arrondi, elle est venue à la maison avec son mari, leur petit garçon...

Samedi dernier, j'ai vu leur petite puce toute belle toute neuve. Je suis allée chez les parents de l'heureux papa. Parents que je n'avais pas vus depuis près de dix ans peut être. Ils ne souvenaient pas de moi bien sûr. Moi, par contre, je me suis aperçu que, malgré moi, je me souvenais de beaucoup de choses. Il y avait un bureau, et un ordinateur dans le coin à gauche, en entrant dans le salon. Maintenant, c'est un meuble. Je me suis revue assise à la grande table, sur ses genoux, je me suis presque souvenue du son de sa voix. De loin, j'ai vu le jardin, à travers les fenêtres, je nous ai revus, tous les quatre, on avait vingt ans peut être, un peu plus, tous les quatre, à profiter du barbecue, les chips, le lapin qui gambadait dans l'herbe...

Je croyais avoir oublié tout ça.

Sur le pas de la porte, en la remerciant de m'avoir invitée, alors que C. me disait qu'"ici, il y avait peut être pour moi de mauvais souvenirs", je me suis entendue dire qu"il y en avait aussi des bons".

Je crois que c'était la première fois que je le disais aussi clairement, pour moi comme pour les autres, tout haut.

A ce moment-là, on aurait pu être, elle et moi, au coin du feu, sur nos rocking-chair, nos tricots sur les genoux, à évoquer la douceur du temps passé... Je vieillis, non ?

Oui... Enfin, tu le savais, quand même, que c'était la vie, n'est-ce pas ma Mirabelle ?

 

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26 février 2014 3 26 /02 /février /2014 17:12

L'agent immobilière est passée hier soir. Elle a trouvé l'appartement très beau, bien entretenu. Elle pense qu'elle n'aura pas de mal à le vendre. Quand elle est partie, il y a eu un silence entre nous. Il a dit que ça allait. J'ai dit que ça allait. La semaine prochaine, l'annonce paraîtra dans la revue de l'agence, sur le site internet. Drôle de sentiment que de se dire que Monsieur et Madame X pourront lire la description de notre chez-nous. Trois pièces, cuisine aménagée et équipée, cellier, salle d'eau. Oui, drôle de sentiment. Comme la sensation d'offrir notre intimité à voir, contre notre gré.
Il ya  quatre ans, je me souviens, nous étions ensemble depuis quelques mois, il m'a dit "J'ai trouvé un appartement, il faut que tu le vois". Moi, fraîchement emmenagée dans mon propre appartement que-je-ne-quitterai-pas-avant-quelques-années-c'était-résolu, je l'avais accompagné pour le visiter, "pour voir", on nous avait appelé "Monsieur et Madame", comme on nomme un couple bien installé, et moi, moi je me souviens m'être placée sur le balcon pendant qu'ils discutaient électricité et travaux, je me souviens avoir regardé la rue, les pièces vides, le parking en face, je me souviens m'être demandée si j'étais prête pour cette aventure, si j'étais prête pour recommencer, tout recommencer, l'espoir, l'attachement, prête à accepter l'éventualité de souffrir un jour, d'avoir le coeur brisé, moi qui venais tout juste de le réparer. Six mois que nous étions ensemble quand il a repéré l'appartement. Six mois, aussi, que je vivais seule, chez moi dans cet appartement bien situé, confortable, que je m'étais jurée de ne pas quitter tout de suite, moi qui déménageais tous les ans. Et puis j'ai réalisé que je n'avais aucune envie de vivre seule. Aucune envie de vivre sans lui, surtout. Alors j'ai dit d'accord, et au diable mes beaux principes, les conventions. Et tout a commencé. Un vrai coup de poker.

Les travaux dans un appartement qui n'était pas à moi, qu'il avait acheté seul, le grand projet de ses trente ans. Venir l'aider le soir après le boulot, casser du carrelage, arracher du papier peint, peindre des portes et des tuyaux, courir les magasins pour acheter ce qui manque, choisir ensemble la vasque, le mobilier de la salle de bain, la couleur de la chambre, poser le parquet, rouler sur le périphérique pleins de peinture avec du rock anglais à fond dans la voiture. C'était un curieux mélange, de fatigue, d'angoisse, de pression, de joie aussi, se lancer dans de gros travaux quand on est un jeune couple, c'était quelque chose, beaucoup d'excitation, j'avais la sensation de construire quelque chose, au sens propre comme au figuré, de me jeter dans un gouffre rempli de trésors, sans trop savoir si j'avais raison, c'était si rapide, me disait-on, tu es sûre, avec lui, tu es sûre, ça va vite, vous n'êtes pas ensemble depuis très longtemps, prenez votre temps. Non, il n'en était pas question, je ne voulais pas, je ne voulais pas et je ne me reconnaissais pas, je l'aimais, je l'aimais tellement, il fallait que j'y sois, que je fasse partie de l'aventure, que je l'aide, que je vive avec lui, vite, et tant pis si ce n'était pas chez moi, c'était tout comme, ce serait chez moi quand même.

C'est moi qui ai installé l'étiquette sur la boîte aux lettres, mon nom, le sien, ensemble.

Un an plus tard, c'était reparti pour la déco. Objectif : métamorphoser mon bureau en une chambre d'enfant. Je me revois, le ventre un peu arrondi déjà, choisissant les stickers, crééant des décors qui feraient rêver la chair de notre chair, je me revois achetant le mobilier, espérant que notre bébé serait heureux ici, nous qui l'étions tellement tous les deux.

La vie a passé vite. Tellement vite...

La semaine prochaine, l'appartement sera en vente. Bientôt, une autre femme aura le coup de foudre pour ce que nous avons construit ici, s'y projetera, peut être une femme qui me ressemble, à l'époque où j'avais choisi la passion plutôt que la raison (pour une fois !), une femme qui prendra le risque de se lancer dans l'aventure avec celui qu'elle a choisi. Je l'espère pour elle mais celle que j'étais, et celle que je suis devenue, a du mal à envisager l'idée de se séparer de ces soixante mètres carré...

J'ai le coeur qui se serre.

Mais l'aventure continue. Ensemble, toujours...

Maison, deuxième enfant... Le coup de poker valait le coup d'être tenté.

 

 

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9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 20:14

Mon cher Victor,

 

Tu es toujours en vie ? Bonjour, Victor. C'est toi, Mirabelle, vraiment ? Oui. Tu as un peu grossi. Des cernes, moins d'artifices qu'auparavant. Eh oui... Plus le temps ! Je suis mère, maintenant ! Naaaan, je rigole, je suis toujours aussi svelte, aussi mince, aussi magnifique, maquillée, apprêtée, bref : sublime ! Naaaan, je rigole aussi, là... Plus sérieusement, la femme est toujours là, moins démonstrative, moins expansive, mais toujours là... En tous cas, plus avec moi ! Je ne sais d'ailleurs si je dois m'en vexer, passer outre... Passe outre, Victor, passe outre. Notre amitié est de celles qui seront toujours importantes, malgré le temps qui passe... Disons que je te crois ! Qu'est-ce qui t'a décidé à revenir ?

Un message. Touchant. D'un lecteur. Merci à lui. Il m'a permis de me souvenir qu'au-delà de l'écran, au-delà de ce mirabelle.over-blog.org, que j'ai laissé, il faut bien l'avouer, à l'abandon, il y a des gens, quelques uns, qui me suivent encore. Certains sont là depuis les premières heures, celles de la PE1, quand j'étais encore avec J., mon Mystérieux Inconnu, offrant avec impudeur (je le regrette aujourd'hui), notre amour houleux teinté de dépendance, d'autres découvrent ces lignes, en pointillé, mes silences, prolongés, mon bonheur, oui, mon bonheur, de mère débordée, d'instit' encore angoissée (non non, je ne change pas !), de femme aimée et qui aime encore tellement, au-delà de ses espérances.. Oui, il y a toujours des gens, derrière, au-delà, des gens avec leurs vies propres, leurs sensibilités, et ce lecteur m'a tellement touchée que je n'ai pas pu faire autrement que de revenir vers toi. Merci à lui, alors ! Comment vas-tu ?

Ca va. Ma fille a eu un an il y a un mois. Une drôle de date. De la fierté, le souvenir de la peur, de la douleur, de l'après surtout, quand je ne l'avais pas avec moi, les fils, les scops, le soulagement, énorme, à l'idée de ce qui n'arrivera plus, la crainte de ce qui arrivera peut être, encore, un jour, pour une deuxième grossesse, pour le petit frère ou la petite soeur, parce qu'il y a un risque, toujours un risque, mais le temps fait son oeuvre, petit à petit, j'apprends à me donner une chance, en tant que "ventre porteur", j'apprends à espérer qu'un jour, je pourrais voir mon bébé à sa naissance, juste après, le tenir tout chaud, tout moite, contre mon corps harassé de fatigue. Oui, j'espère, et la conscience de l'espoir, elle-même, est un espoir en soi. Ma fille a eu un an donc, et je continue d'aimer ma vie avec Lui. Tranquille ou presque. Parce que je suis comme suis, comme j'ai toujours été. Pas facile. "Un sacré caractère", me dit-il, avec tellement de tendresse dans la voix. Mais il m'aime. Comme ça. Passionnée, romanesque, tragédienne, tantôt enfant, tantôt adulte, il m'aime, et quasiment quatre ans après notre coup de foudre virtuel, puis notre coup de foudre réel, je pense toujours que je suis avec "le bon", comme on dit, quatre ans après il a toujours foi en moi, en nous, et j'en suis si fière. Pour toi, c'est un pas énorme...! Oui. Ca prouve beaucoup de choses. Nous découvrons la parentalité ensemble. Il est comme moi, sensible, et parfois il suffit d'un regard pour que nos émotions se croisent, tandis qu'elle se relève, seule, en se tenant à la table, ou quand elle vient me rejoindre à quatre pattes dans la cuisine alors que je l'appelle. C'est un lien si fort, tellement plus fort que ce que j'avais imaginé. Je suis heureuse de ne m'être pas trompée, cette fois, de l'avoir choisi lui pour construire ce lien pour la vie. Et à travers A., je le vois, tous les jours, même s'il paraît qu'elle est mon portrait craché, ses mimiques, son caractère (malheureusement elle est loin d'être facile elle aussi !), cette enfant c'est Lui et c'est Moi, et j'en suis encore à me demander comment un tel "miracle" est possible.

Bien sûr, je suis toujours moi. Torturée. Pleine de questions. A bientôt trente ans, je me fais une raison : c'est ma nature, je ne la changerai pas, je l'apprivoise, c'est tout. Nostalgique, mélancolique, pessimiste, c'est ce que je suis, même si je suis heureuse, c'est tout mon paradoxe. La vie passe, vite, les lessives, le ménage, les jeux avec A., les jeux tous les trois, la lecture sur le canapé (elle aime tellement les livres ! Non non, je ne l'ai pas influencée !), le Babycook qui tourne à plein régime, le boulot, aussi, même si, on m'avait prévenu, "on redéfinit ses priorités". Tout ça use tellement, le temps, la fatigue, que j'en oublie qui je suis, qui j'étais, la petite fille qui écrivait sur des petits cahiers à grands carreaux, qui illustrait ses textes, la jeune fille qui écrivait des poèmes, des "morceaux de roman", la jeune femme qui s'était dit, un soir : "tiens, si je tenais un blog ?". Oui, je l'avais oubliée, et grâce à ce lecteur, je m'en suis souvenue. Merci, lecteur mystérieux.

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21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 10:02

Mon cher Victor,

 

Alors voilà, l'heure est venue de te raconter. Quoi donc ? La Néonat. Vu la moue que tu arbores, j'ai l'impression que cela ne t'inspire pas énormément ! Là n'est pas le coeur du problème. Où est-il alors ? Il faut trouver les mots justes pour évoquer ce qui touche l'intime, quelque part entre la peur et la douleur, tout en utilisant la distance que j'ai acquise aujourd'hui, trois mois et demi environ après notre sortie de "l'Enfer". "L'Enfer" ? Un peu grandiloquent non ? Oh, bien sûr, on peut me taxer d'exagération, mais comme le dit l'expression, il faut le vivre pour le croire ! Alors voilà...

 

J'ai accouché. En soi, l'accouchement s'est très bien passé. J'étais très surveillée. J'étais heureuse d'accoucher, aucune appréhension, rien du tout, j'étais même sur mon petit nuage : j'ai eu la chance d'accoucher par voie basse, ce qui n'est pas gagné en cas de prééclampsie, notamment à cause de ma tension trop élevée, mettant ma vie "en danger", et d'ailleurs, je ne suis pas passée bien loin de la césarienne. Oui, Victor, je sais ce que tu vas dire, cela semble grandiloquent là aussi mais je t'assure qu'on ne rigole pas dans ces cas-là : quand le gynécologue vous annonce très calmement, comme s'il parlait de l'état du ciel, qu'à 18 de tension il commence à exister de sérieux risques de convulsions pour la maman et que d'un coup on pense : "Oh mince, j'ai déjà 17...", on se met à prier non seulement pour le bébé mais pour soi aussi. Enfin bref. Passons. J'ai donc accouché. On a emmené A. tout de suite. On me l'a ramenée une dizaine de minutes plus tard, nous avons pu la voir très peu de temps, juste pour dire bonjour, dans une immense couveuse, appareillage obligatoire pour surveiller ses constantes et surtout sa température corporelle, qu'elle était encore incapable de réguler seule. A. était minuscule. Moi qui craignais d'avoir un petit bébé, ben là, évidemment, j'ai été servie, c'était un bébé miniature. 2 kg toute mouillée. Son petit bonnet de naissance était plus gros que sa tête. Elle avait des petits bras tout maigres. Elle dormait. Son père a dit : "Coucou A., c'est Papa !" : c'est quelque chose qu'il lui disait souvent pendant la grossesse, cela me faisait rire d'ailleurs car il employait toujours le même ton, et je m'amusais ensuite à l'imiter. Tiens-toi bien Victor, elle s'est réveillée et elle a regardé son père droit dans les yeux, de grands yeux perçants, immenses, très sombres, plein de curiosité, mon dieu qu'elle était intimidante, si petite et pourtant à cet instant c'est moi qui me suis sentie minuscule. Bref. C'est un beau souvenir, comme j'en ai peu de sa naissance, un beau souvenir très fugace, très rapide, parce qu'ensuite ils l'ont emmenée en néonatalogie. C'est le service où sont pris en charge les enfants prématurés (c'est à dire nés à moins de 37 sa). Je me souviens n'avoir pas réalisé ce soir-là, j'étais simplement soulagée qu'elle soit vivante, que je le sois aussi, merci les hormones qui m'ont laissée tranquille pour ce premier soir à la clinique.

 

On m'a accompagnée jusqu'à ma chambre (enfin plutôt Chéri a poussé le fauteuil roulant, j'étais dans leur immonde chemise bleue, nue là-dessous, je n'avais pas mangé, pas dormi depuis plus de vingt-quatre, je n'étais bien sûr pas lavée, et maintenant le fauteuil roulant mon dieu mon dieu !) et peu de temps après, A. était avec moi dans son énorme couveuse : tout semblait bien aller, elle commençait à réguler correctement sa température, c'était très bon signe, ses constantes étaient bonnes, on allait me la laisser pour la nuit. A cet instant, je nous ai vues à la maison avec son père, cinq jours plus tard. Erreur... On me l'a donnée dans les bras, je ne pouvais pas le faire moi-même à cause de tous ces fils qui la reliaient à l'appareil surveillant ses constantes, et j'ai eu pour instruction d'appeler le service de Néonat dès que je voudrais la remettre dans sa couveuse. J'ai le souvenir d'avoir eu très mal de ne pas pouvoir le faire moi-même, première des nombreuses douleurs et épreuves qui m'attendaient durant trois semaines. Heureusement, tu en ignorais tout... Tu as pu profiter d'elle pour votre première nuit ! Je l'ai gardée longtemps contre moi. Je lui ai chanté des chansons, elle s'est réveillée et m'a écoutée très attentivement en plongeant ses grands yeux noirs dans les miens, toujours cette sublime étincelle d'étonnement dans le regard, elle était là, au creux de mon coude, ses petites mains croisées sous son menton, et moi j'étais maladroite, timide, émue, fatiguée évidemment. Nous nous sommes endormies, elle dans sa couveuse (après qu'on soit venue la reposer dedans), moi dans le lit.

 

La couveuse était très lumineuse, et parfois je me réveillais en sursaut pendant la nuit, me demandant où j'étais, une sorte de monde parallèle sans doute, interloquée par cet imposant appareil près de mon lit, à l'intérieur duquel une petite créature toute frêle gesticulait, grognait de temps à autre, gémissait aussi, et pleurait souvent, et alors c'était la panique à bord, je ne pouvais rien faire seule, je devais appeler pour que l'on m'ouvre la petite vitre, qu'on me la donne, pour que je puisse la bercer comme n'importe quelle autre maman l'aurait fait. Et puis il fallait rappeler, encore, afin de la réinstaller dans sa couveuse. Là, tandis que je tenais A. tout doucement contre moi tout en essayant d'attraper le numéro de la Néonat, j'ai commencé à m'en vouloir. T'en vouloir ? Mais de quoi ? D'avoir besoin d'intermédiaire, de relais entre ma fille et moi. A m'en vouloir de n'avoir pas su la protéger, la garder dans mon ventre à l'abri le temps nécessaire. De ne pas avoir pu lui offrir autre chose, comme entrée dans la vie, que des fils à sa cheville, des électrodes sur sa poitrine et la chaleur artificielle d'une couveuse au lieu de celle, rassurante, de sa maman. Mais enfin Mirabelle, ce n'était pas ta faute, c'était celle de la maladie ! Oh, mais je le savais, Victor, je le savais, mais on avait beau me le dire, me le répéter, la culpabilité avait commencé son travail de sap, d'écrasement, dans le ventre, tout au fond, j'étais seule, désamparée, impuissante, et je ne voyais qu'A. et ses fils, sa couveuse, sa maigreur, ses petits grognements que je comprenais pas, et la honte, la honte qui m'étouffait, la honte de devoir appeler à l'aide pour m'occuper de ma fille, dans n'importe quel petit geste, aussi anodin soit-il. La honte de n'avoir pas le choix.

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20 août 2012 1 20 /08 /août /2012 19:31

Mon cher Victor,


Bientôt la reprise ! Eh oui... Pas trop angoissée à l'idée de laisser ta petite ? Ne m'en parle pas, Victor, s'il te plaît. Pour l'instant, j'adopte la politique de l'autruche, je freine des quatre fers, je repousse l'idée, je pense à autre chose, je retarde le coup de fil à la crèche pour préparer l'adaptation... Tu en as gros sur la patate ? C'est rien de le dire. Je me demande surtout comment je vais tenir une journée entière sans elle, et remettre ça le lendemain puis les jours suivants et ainsi de suite. J'ai déjà beaucoup de mal à garder l'esprit "tranquille" quand Chéri et moi allons au cinéma après avoir laissé A. chez une de ses grands-mères (et ce pendant trois heures seulement !), alors vraiment, toute une journée, ça me paraît impossible, infaisable, mais comment je vais faire mon dieu, je ne vais pas tenir, je ne vais penser qu'à elle, ah la la la... Allons allons, Mirabelle, parlons d'autre chose, je te sens soudain très émue ! Oui, oui, changeons de sujet.

 

Je disais donc : bientôt la reprise ! Et qui dit reprise dit préparations, classeurs à ranger, fiches inutiles à jeter, du tri, du tri, du tri, un cahier-journal à revoir... Ô joie, ô bonheur ! C'est ironique ? Bien sûr.  J'avoue : cela ne m'avait pas manqué !  D'autant que cette année, la revoilà, la vilaine visite d'inspection, tous les trois ans on y a droit, ça passe vite, trois ans, à peine le temps de souffler qu'il est déjà l'heure de stresser ! D'ailleurs, si mes souvenirs sont bons, ta première inspection ne s'était pas très bien passée, et tu avais eu bien du mal à t'en remettre ! Tu l'as dit bouffi. Cette année, ce sera différent. Je pense avoir fait "le deuil" d'une belle carrière dans l'enseignement, je me suis fait une raison, je sais que je serai une enseignante médiocre tout au plus et et... Mais c'est terrible, ce que tu dis Mirabelle ! Oui, Victor, j'en ai conscience. Tiens, à ce propos, je me suis aperçue récemment, en allant consulter les bonnes vieilles statistiques de ce blog, que nos conversations continuaient à intéresser pas mal de monde (qui l'eût cru ?), notamment de jeunes étudiants caressant le doux rêve de devenir un jour professeur des écoles. Cette constatation m'a d'abord fait plaisir, mais bien vite ce sentiment fort agréable fut balayé par la sensation amère de ne pas le mériter, car, le mot est lâché, "J'AI PERDU LA FOI". Ah... C'est horrible, hein ? C'est triste, surtout... Eh oui, il m'a fallu cinq ans pour baisser les armes, cinq ans pour me décourager, je n'en suis pas fière, loin de là, et il me fallait être honnête avec nos lecteurs. Alors amis blogueurs, excusez-moi. Vous lisez ici les lignes d'une instit' que sa première inspection a fait déchanter, il a suffi de cela, de cela et d'un profond sentiment de solitude, mêlé à celui d'un échec généralisé. Comme un malentendu entre mes idéaux et la réalité. Tu vas cependant devoir composer avec tout cela, tes désillusions et tes doutes, car la rentrée approche à grands pas !

 

La rentrée est là, effectivement, toute proche. Ma grossesse n'ayant pas idéale (loin de là mon dieu !), je n'ai pas travaillé depuis un sacré paquet de temps, entre les contractions, la tension et compagnie, je me suis arrêtée avant les vacances de février tout de même, et l'idée de devoir remonter en selle me fait un peu peur. Enfin, il paraît que c'est comme le vélo... Je vais redécouvrir le métier, sous un jour différent sans doute, puisque dorénavant je suis maman, et être maman c'est de l'organisation au quotidien, d'autant plus lorsque l'on ramène du travail à la maison ! Parviendrai-je à tout gérer ? Tout le monde y arrive, Mirabelle, et tu es une femme ! Ca veut dire quoi, ça, Victor ? Eh bien vous êtes faites pour cela, pour tout gérer ! Moui... Si tu veux que nous restions amis, je te prierais de changer de discours, ou du moins de garder tes propos sexistes pour toi ! Merci bien ! Rooooo la la, le caractèèèère ! Pffffioooou... Bref. Je reprends bientôt donc, et comme souvent chez moi en période de "préparation psychologique à la rentrée scolaire", je m'interroge sur moi, sur mon rapport au métier, surtout. J'aimerais être encore capable d'écrire sur ma profession, de retrouver "la flamme" et de la garder allumée, comme du temps béni où j'écrivais des articles longs comme le bras dans la catégorie "Mirabelle, PE1, future instit'", sans peiner pour trouver l'inspiration, mais ai-je encore quelque chose à dire ? Je ne suis pas certaine qu'il y ait encore beaucoup de sujets qui me tiennent à coeur, et si j'ai encore du plaisir dans l'exercice de mon métier, je ne le dois qu'aux enfants, simplement aux enfants, à leur contact. Je me répète mais... Que c'est triste ce que tu dis là ma petite Mirabelle... Oui, je sais. C'est triste. Et si tu nous racontais ça, justement ? Ca quoi ? Comment tu en es arrivée à perdre la foi ?

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14 août 2012 2 14 /08 /août /2012 13:51

Mon cher Victor,

 

Mirabelle, avant que tu n'ouvres la bouche, je tenais à te signaler une chose : voilà des semaines, que dis-je, des mois, que j'attends, désespérement, la fin de l'histoire. La fin de l'histoire ? Aaaahhh ! Tu vois, c'est si loin que tu ne t'en souviens même plus ! Euuuh... Tu m'avais raconté la dernière échographie de ta grossesse, tu sais, ce souci au cerveau de ta fille. Ah oui, c'est vrai, je ne t'avais jamais tenu au courant du verdict de l'échographie de contrôle... Enfin, je me doute bien que tout va bien, mais enfin, on ne sait jamais, peut être y a-t-il des suites ou... Tu as raison, Victor, mieux vaut établir clairement les choses.

Eh bien après une quinzaine de jours d'angoisse concernant le ventricule du cerveau de ma fille, Chéri avons été rassurés : la dilatation s'était résorbée, et même en mesurant de tous les côtés, par tous les bouts possibles, les dimensions obtenues étaient conformes à la norme. Pas d'IRM à prévoir, pas d'examens supplémentaires, et la certitude, énoncée distinctement, que tout irait bien à sa naissance. Nous avons donc soufflé un bon coup (une fois de plus), j'ai pleuré de soulagement dans la voiture et j'ai (une fois de plus encore), ordonné à ma fille, en caressant mon ventre, d'arrêter ses bêtises. Les frayeurs, ça suffit ! Une fois à la maison, je me souviens avoir inspecté le contre-rendu de l'échographie sous toutes les coutures, et m'être interrogée sur un point, qui, aux dire de mes proches, tenait du "détail sans importance", mais compte tenu de la tournure prise par ma grossesse par la suite, la prééclampsie et ce qu'elle implique, je ne doute pas désormais avoir vu juste : le fémur de ma fille n'avait absolument pas changé, pas grandi, et son poids n'avait quasiment pas augmenté non plus. Quand on m'a déclenchée, j'en ai discuté avec le gynécologue, qui a confirmé ce que je suspectais, à savoir que la prééclampsie était en train de détruire mon placenta, empêchant le bébé de se développer correctement, d'où l'urgence de notre situation à toutes deux. Allez, allez, tout cela est derrière toi, maintenant... Oui, c'est vrai, et quand je vois ses bonnes joues, ses petits bras, leurs petits plis, ses sourires, ses gazouillis, ses presque six kilos, j'en ai bien conscience, mais il est difficile de se détacher du souvenir de cette grossesse mal démarrée, mal terminée... Allons allons... Hem... Ma petite Mirabelle... C'est comme ça... Tu auras davantage de chance la prochaine fois, j'en suis sûr ! Je l'espère.

 

En tous cas, il me semble important de t'expliquer ce par quoi je suis passée, pas dans les détails, bien sûr, parce que trois semaines d'hospitalisation, ce serait si long, si laborieux à décrire. Il faut cependant que je puisse mettre des mots sur ce que j'ai traversé, sur ce que NOUS avons traversé, sur ce que j'ai ressenti, car j'ai pu constater, non sans amertume, qu'une fois sortie de la clinique, on n'a plus le droit d'être mal, plus le droit d'avoir peur, comme s'il n'y avait aucune continuité entre les circonstances de l'arrivée d'A. au monde et notre retour à la maison. Parce que le bébé est rose (enfin !), va bien, peut téter, respirer seul, parce qu'il ressemble à n'importe quel bébé en pleine forme et que le passé, les scops, les pleurs, les sondes, tout ça ne doit plus exister. Ce n'est pas si simple et j'ai pu me rendre compte que peu de gens, notamment les femmes, notamment les mères, étaient capables de le comprendre. On a vite fait de balayer pour vous l'expérience de la néonatalogie, d'un revers de main, ce traumatisme insidieux, silencieux et indicible, dont on met du temps à se remettre. Alors je vais te raconter, je vais te raconter tout ça, le monde de la Néonat, parce que c'est un monde, vraiment, qu'il faut que tu saches, que tu en aies une idée, si peu de gens en ont une, et si peu de gens en sont curieux, c'est tellement terrifiant, on préfère ne pas voir, ne pas essayer, il faut que tu saches, Victor, il faut que tu saches...

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6 août 2012 1 06 /08 /août /2012 23:31

Le temps passe. Les années passent. Parfois, on se perd de vue.

Il y a une vingtaine d'années j'étais une petite fille qui écrivait des histoires dans un gros cahier à carreaux, les illustrait, préparait des couvertures, des quatrièmes de couverture, inscrivait des dédicaces, de celles qui me fascinaient dans les livres de ma mère : "A mon père", "A ma meilleure amie". J'écrivais des suites, Tome 1, Tome 2, Tome 3, et mon père me filmait à l'ouvrage, moi studieusement installée à écrire à mon bureau, la caméra zoomait sur mes doigts, ma moue d'élève modèle. Et toute la fierté paternelle derrière tout ça... Mon institutrice de CE1, qui avait félicité mes parents sur l'emploi tout à fait "naturel" que je faisais du passé simple sans l'avoir encore étudié, avait un jour annoncé à ma classe, à propos d'un de nos travaux de rédaction : "Je lis le travail de Mirabelle, elle n'a pas respecté la consigne mais son histoire est belle, alors je vous la lis tout de même". Elève en CE2, ma maîtresse s'était étonnée de me voir personnifier l'automne sous le nom de "Totonne" : elle avait au premier abord cru à une faute d'orthographe, et avait fini par comprendre, avec mes explications, qu'il s'agissait du prénom de mon personnage, une créature merveilleuse pareille au vent, faisant voyager un petit garçon sur son dos de feuilles mortes... Je vois encore ses yeux ronds comme des soucoupes quand, bien sûre de moi, je lui soutenais mordicus que oui oui maîtresse, c'est bien son nom, je l'ai fait exprès. En CM1, j'en avais beaucoup voulu à mon maître de n'avoir pas compris le style familier que j'employais dans mes dialogues, je me souviens n'avoir pas utilisé la négation, volontairement, pour faire parler l'une des petites filles de mes histoires, car enfin soyons clairs, à l'oral on emploie très mal, très peu, la structure "ne...pas"  et j'étais outrée de constater que ce professeur ignorait complètement mes choix d'écriture,  tout enfermé qu'il était dans ses critères de correction.  Jusqu'en troisième à peu près, mes professeurs de français lisaient mes rédactions à voix haute, j'étais détestée de tous, "la chouchoute" comme ils disaient, et en entendant mes textes lus à voix haute par un adulte, je me cachais dans mon casier, rougissant de honte autant que de fierté.

Le temps passe. Les années passent. Parfois on se perd de vue.

A six, seize, vingt ans, je croyais dur comme fer qu'un jour je serai écrivain. Aujourd'hui, j'en ai vingt-huit... Qu'est devenue l'enfant pleine de rêves, l'adolescente admirative des Editions de Minuit ? L'amour de l'écriture, des mots, ne m'a certes pas quitté, le rêve non plus, mais il est désormais tapi dans l'ombre, et non plus éclatant, écarlate, en plein soleil, il n'a plus l'insouciance de la jeunesse, plus cette inconscience, cette confiance en l'avenir, parce qu'on a le temps, la vie devant soi. Le rêve est toujours là mais je me suis laissée embarquer dans la vie, dans sa rapidité, son urgence, ses priorités matérielles, ses exigences de survie, j'ai un métier, que j'aime certes, mais pas tant que cela je l'avoue, j'ai un Amoureux, un vrai je crois, j'en suis sûre, j'ai une petite fille, une merveilleuse petite fille, qui a fait de moi une mère, une femme, qui m'a donné un but, une responsabilité. J'ai un appartement, un bel appartement, un appartement qu'il faut ranger, nettoyer, entretenir, un frigidaire qu'il faut remplir, du linge qu'il faut nettoyer repasser, un lit que je fais, que je défais, la vie passe, et j'ai déjà vingt-huit ans, une vie d'adulte, et c'est quoi une vie d'adulte ? Est-ce que ça veut dire que les rêves ne seront jamais que des rêves, est-ce que ça veut dire se résigner ?

Je tiens ce blog depuis des années. Depuis mon entrée en PE1 je crois, soit sept ans environ. Une éternité. Après une longue période, un silence nécessaire, une page tournée, j'y suis revenue finalement, parce que ce blog m'a vue naître, en quelque sorte, du passage de l'adolescence à l'âge adulte, du cocon familial quitté au profit de mon premier chez-moi, de mon Premier Amour chaotique et compliqué, celui qui brise le coeur, à mon Grand Amour, celui qui fait voir que tout était évident au bout du compte, des Amitiés épanouies et définitives à celles perdues pourtant définitivement sans doute, tout ça, toute ma vie, finalement, elle est là, ici, cachée, voire complètement exposée entre les lignes de ce blog, et je n'aime rien plus que de laisser cette trace de moi, à travers les années, les espoirs, les désillusions, l'intensité des sentiments, aussi divers soient-ils, avec en fil rouge mon amour de l'écriture, parce que je suis intimement persuadée toucher du doigt, dans les phrases, l'émotion des mots, leur agencement si particulier qui crée le style, ce qui est et restera inaccessible, chimérique, dans la vie réelle, terre-à-terre, dans le quotidien harassant de tous les jours : la beauté, comme un instinct d'absolu, une empreinte.

J'ai vingt-huit ans, un roman commencé il y a quatre ans et demi maintenant, à un moment où je devais absolument écrire, plus que d'habitude, je ne faisais d'ailleurs que ça, écrire, parce que la survie passait par là. J'ai 120 pages en sommeil dans mon ordinateur, 120 pages qui attendent une suite, autre chose que des interrogations incessantes, 120 pages de personnages qui ne demandent qu'à continuer de vivre, à évoluer, un projet qui me titille, me travaille, mais qui n'avance pas, qui n'avance plus, pas comme je le voudrais, un projet dont je ne viendrai certainement pas à bout, parce que c'est tellement de courage, tellement d'énergie, tellement de disponibilité d'esprit, un projet stoppé sans que je m'en aperçoive vraiment, que j'ai laissé se déliter quand je l'ai rencontré, parce qu'alors j'étais tellement occupée, tellement occupée à être heureuse... Je n'ai pas vu que je me perdais de vue.

J'ai fait un rêve. Celui d'écrire des livres. Je suis enseignante, enseignante et seulement enseignante.

Où est passée la petite fille que j'étais, celle que je suis en train de décevoir ?

 

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