Ce matin, je reprends la conduite. Ah. C'est pour ça que tu ronges tes ongles ? Sans doute. Je ne peux pas m'en empêcher. Premier échec. Deuxième échec. Troisième échec ? Evidemment, si tu pars comme ça, tu ne risques pas d'y arriver !
Je me suis souvenue de quelque chose. Qui pourrait, éventuellement, expliquer mes difficultés à obtenir ce fichu permis de conduire. Allons bon ! Je crains le pire ! Il m'est arrivé quelque chose quand j'étais petite. Tu as eu un accident ? J'ai failli. Eh bien alors ! Ce n'est rien du tout ! N'en rajoute pas, Mirabelle ! Tu veux quand même savoir ? Oui. De toute façon, je n'ai rien d'autre à faire.
Je devais avoir sept ou huit ans. J'avais accompagné mon père faire les courses. Il était à la boucherie et j'étais restée dans la voiture. Le temps me paraissait long et j'avais besoin de me distraire. Depuis l'achat de notre véhicule (d'occasion), une Peugeot 309 (spéciale dédicace au Farfadet), une manette entre les deux sièges avant m'intriguait. Mon père tirait dessus pour stopper la voiture et appuyait sur un bouton, situé au bout du manche, pour la démarrer. Ou du moins c'est ce qui me semblait. Le bouton me fascinait. Vraiment. Ouh la la, ne dis rien, je crois que je commence à comprendre...
Nous étions garés en descente. J'ai appuyé sur le bouton et donc... Desserré le frein à main ! J'ai mis quelques secondes avant de réaliser que la voiture roulait. Pas de voiture garée devant la nôtre. Elle prenait de la vitesse. J'ai eu très peur. Alors j'ai fait comme dans les films. J'ai ouvert la portière et sauté de la voiture en marche. Juste à ce moment, le feu tricolore, dans la rue perpendiculaire, est passé au vert. Et mon père, en face, est sorti de la boucherie...
Il a bien évidemment lâché tous ses achats. Je l'ai vu galoper comme un lapin et s'introduire, tant bien que mal, dans la voiture pour remettre le frein à main. Et alors ? Et alors ? Est-ce qu'il l'a stoppée à temps ? Il n'y a pas eu de choc avec les voitures de la rue perpendiculaire ? Il s'en est fallu de peu, je dois l'avouer. Mon père m'a passé un sacré savon et a spécifié que désormais, il ne me laisserait plus seule dans une voiture, avec interdiction, bien sûr, de toucher un seul mot de cet incident à ma mère. Je m'en suis sortie avec une peur bleue et une culpabilité sans borne. Une culpabilité qui ne me lâche pas.
Lors de mes premières heures de conduite, j'avais une peur panique du frein à main. Et la sensation que j'étais complètement nulle. Que je n'y arriverais jamais. Depuis, j'ai régulièrement pensé à cet incident. Et ta peur du frein à main ? Elle s'estompe peu à peu. C'est peut être pour ça que tu manques encore de confiance en toi sur la route... Peut être... Je me demande souvent comment je conduirais aujourd'hui si je n'avais pas commis cette bêtise dans mon enfance. Qui sait... Tu aurais peut être déjà le permis !