Overblog
Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Cher lecteur,

Exceptionnellement, nous nous adresserons à toi directement : ce site n'est en aucun cas une biographie de Victor Hugo. Alors si tu pensais trouver ici la vie de notre Totor national en long, en large, et en travers, passe ton chemin !

 

Pour bien comprendre les propos de nos deux protagonistes :

1° Des caractères gras de couleur bleue quand Victor s'adresse à Mirabelle

2° Une police des plus classiques quand Mirabelle s'adresse à Victor

 

Sur ce, bonne lecture !

 

Un Mot Au Vol ?

Papotage ArchivÉ

Opinion


Et si vous nous faisiez part de votre opinion ?

Victor mène l'enquête.

Parce que Mirabelle se le demande !




personnes ont écouté la conversation entre Mirabelle et Victor depuis leur rencontre.


Aujourd'hui, à :

il y a personne(s) qui papote(nt) avec Mirabelle et Victor.


La requête de Victor :

  • Parce que Mirabelle et moi-même aimons beaucoup de gens... Allez donc jeter un coup d'oeil à notre tour de tables !
 

Nos recommandations :

  • Un clic et vous y êtes... Si vous souhaitez quelques conseils pour guider votre lecture, bien entendu !



Lexique IUFMesque à l'usage des non-initiés :

  • Mirabelle, dans son infinie bonté, a daigné me proposer (ainsi qu'à toi, ô lecteur non affilié à l'Education Nationale !) un lexique de rattrapage, sensé me donner les repères indispensables à la compréhension de deux rubriques.


21 août 2012 2 21 /08 /août /2012 10:02

Mon cher Victor,

 

Alors voilà, l'heure est venue de te raconter. Quoi donc ? La Néonat. Vu la moue que tu arbores, j'ai l'impression que cela ne t'inspire pas énormément ! Là n'est pas le coeur du problème. Où est-il alors ? Il faut trouver les mots justes pour évoquer ce qui touche l'intime, quelque part entre la peur et la douleur, tout en utilisant la distance que j'ai acquise aujourd'hui, trois mois et demi environ après notre sortie de "l'Enfer". "L'Enfer" ? Un peu grandiloquent non ? Oh, bien sûr, on peut me taxer d'exagération, mais comme le dit l'expression, il faut le vivre pour le croire ! Alors voilà...

 

J'ai accouché. En soi, l'accouchement s'est très bien passé. J'étais très surveillée. J'étais heureuse d'accoucher, aucune appréhension, rien du tout, j'étais même sur mon petit nuage : j'ai eu la chance d'accoucher par voie basse, ce qui n'est pas gagné en cas de prééclampsie, notamment à cause de ma tension trop élevée, mettant ma vie "en danger", et d'ailleurs, je ne suis pas passée bien loin de la césarienne. Oui, Victor, je sais ce que tu vas dire, cela semble grandiloquent là aussi mais je t'assure qu'on ne rigole pas dans ces cas-là : quand le gynécologue vous annonce très calmement, comme s'il parlait de l'état du ciel, qu'à 18 de tension il commence à exister de sérieux risques de convulsions pour la maman et que d'un coup on pense : "Oh mince, j'ai déjà 17...", on se met à prier non seulement pour le bébé mais pour soi aussi. Enfin bref. Passons. J'ai donc accouché. On a emmené A. tout de suite. On me l'a ramenée une dizaine de minutes plus tard, nous avons pu la voir très peu de temps, juste pour dire bonjour, dans une immense couveuse, appareillage obligatoire pour surveiller ses constantes et surtout sa température corporelle, qu'elle était encore incapable de réguler seule. A. était minuscule. Moi qui craignais d'avoir un petit bébé, ben là, évidemment, j'ai été servie, c'était un bébé miniature. 2 kg toute mouillée. Son petit bonnet de naissance était plus gros que sa tête. Elle avait des petits bras tout maigres. Elle dormait. Son père a dit : "Coucou A., c'est Papa !" : c'est quelque chose qu'il lui disait souvent pendant la grossesse, cela me faisait rire d'ailleurs car il employait toujours le même ton, et je m'amusais ensuite à l'imiter. Tiens-toi bien Victor, elle s'est réveillée et elle a regardé son père droit dans les yeux, de grands yeux perçants, immenses, très sombres, plein de curiosité, mon dieu qu'elle était intimidante, si petite et pourtant à cet instant c'est moi qui me suis sentie minuscule. Bref. C'est un beau souvenir, comme j'en ai peu de sa naissance, un beau souvenir très fugace, très rapide, parce qu'ensuite ils l'ont emmenée en néonatalogie. C'est le service où sont pris en charge les enfants prématurés (c'est à dire nés à moins de 37 sa). Je me souviens n'avoir pas réalisé ce soir-là, j'étais simplement soulagée qu'elle soit vivante, que je le sois aussi, merci les hormones qui m'ont laissée tranquille pour ce premier soir à la clinique.

 

On m'a accompagnée jusqu'à ma chambre (enfin plutôt Chéri a poussé le fauteuil roulant, j'étais dans leur immonde chemise bleue, nue là-dessous, je n'avais pas mangé, pas dormi depuis plus de vingt-quatre, je n'étais bien sûr pas lavée, et maintenant le fauteuil roulant mon dieu mon dieu !) et peu de temps après, A. était avec moi dans son énorme couveuse : tout semblait bien aller, elle commençait à réguler correctement sa température, c'était très bon signe, ses constantes étaient bonnes, on allait me la laisser pour la nuit. A cet instant, je nous ai vues à la maison avec son père, cinq jours plus tard. Erreur... On me l'a donnée dans les bras, je ne pouvais pas le faire moi-même à cause de tous ces fils qui la reliaient à l'appareil surveillant ses constantes, et j'ai eu pour instruction d'appeler le service de Néonat dès que je voudrais la remettre dans sa couveuse. J'ai le souvenir d'avoir eu très mal de ne pas pouvoir le faire moi-même, première des nombreuses douleurs et épreuves qui m'attendaient durant trois semaines. Heureusement, tu en ignorais tout... Tu as pu profiter d'elle pour votre première nuit ! Je l'ai gardée longtemps contre moi. Je lui ai chanté des chansons, elle s'est réveillée et m'a écoutée très attentivement en plongeant ses grands yeux noirs dans les miens, toujours cette sublime étincelle d'étonnement dans le regard, elle était là, au creux de mon coude, ses petites mains croisées sous son menton, et moi j'étais maladroite, timide, émue, fatiguée évidemment. Nous nous sommes endormies, elle dans sa couveuse (après qu'on soit venue la reposer dedans), moi dans le lit.

 

La couveuse était très lumineuse, et parfois je me réveillais en sursaut pendant la nuit, me demandant où j'étais, une sorte de monde parallèle sans doute, interloquée par cet imposant appareil près de mon lit, à l'intérieur duquel une petite créature toute frêle gesticulait, grognait de temps à autre, gémissait aussi, et pleurait souvent, et alors c'était la panique à bord, je ne pouvais rien faire seule, je devais appeler pour que l'on m'ouvre la petite vitre, qu'on me la donne, pour que je puisse la bercer comme n'importe quelle autre maman l'aurait fait. Et puis il fallait rappeler, encore, afin de la réinstaller dans sa couveuse. Là, tandis que je tenais A. tout doucement contre moi tout en essayant d'attraper le numéro de la Néonat, j'ai commencé à m'en vouloir. T'en vouloir ? Mais de quoi ? D'avoir besoin d'intermédiaire, de relais entre ma fille et moi. A m'en vouloir de n'avoir pas su la protéger, la garder dans mon ventre à l'abri le temps nécessaire. De ne pas avoir pu lui offrir autre chose, comme entrée dans la vie, que des fils à sa cheville, des électrodes sur sa poitrine et la chaleur artificielle d'une couveuse au lieu de celle, rassurante, de sa maman. Mais enfin Mirabelle, ce n'était pas ta faute, c'était celle de la maladie ! Oh, mais je le savais, Victor, je le savais, mais on avait beau me le dire, me le répéter, la culpabilité avait commencé son travail de sap, d'écrasement, dans le ventre, tout au fond, j'étais seule, désamparée, impuissante, et je ne voyais qu'A. et ses fils, sa couveuse, sa maigreur, ses petits grognements que je comprenais pas, et la honte, la honte qui m'étouffait, la honte de devoir appeler à l'aide pour m'occuper de ma fille, dans n'importe quel petit geste, aussi anodin soit-il. La honte de n'avoir pas le choix.

Partager cet article
Repost0
24 juillet 2012 2 24 /07 /juillet /2012 17:08

Mon cher Victor,


Elle est arrivée à 18 h 02, le dimanche 8 avril, elle qui devait naître autour du 16 mai. Je lui avais dit, en caressant mon ventre pendant la grossesse : "Surtout, ne sois jamais comme les autres...". Elle m'avait écoutée... Ce que j'ai vu d'elle, quand elle a vu le jour, c'est son dos, un peu velu, son cou, l'angiome à la base de sa nuque, les cheveux humides sur son crâne. Ce que j'ai senti, c'est cette vague, c'est sa chaleur, cette chaleur que j'aurais voulu étreindre, renifler. Ils l'ont emmenée tout de suite. Je n'ai pas vu son visage. J'ai cru qu'elle avait le cordon autour du cou, il était là certes, mais pas serré, j'ai pourtant paniqué, c'est fou comme on a tout de suite peur, cette peur animale, cet instinct de protection. Ils l'ont emmenée tout de suite, après que son père ait coupé le cordon, c'est passé si vite, quelques secondes, un éclair. Je ne l'ai pas touchée. Pas tenue contre moi. Ils l'ont emmenée, j'ai prié pour qu'elle respire, elle ne l'a pas fait immédiatement, j'ai perçu un léger râle quand ils l'ont emportée derrière la porte battante. J'ai poussé un grand soupir de soulagement, tremblante de larmes, de fatigue, de peur, une peur qui masquait tout, submergeait tout, même la toute petite étincelle de joie.

Quasiment quatre mois après, j'ai toujours envie de pleurer devant les documentaires sur les accouchements, notamment face aux images où le personnel médical pose le bébé sur le ventre de la maman, où ils se regardent, se découvrent, blottis l'un contre l'autre, où la maman touche son enfant, l'embrasse, se fond en lui, sanglote de bonheur, ce moment magique, la légende de la maternité. Nous avons pleuré, nous aussi, pleuré de bonheur, quand on est venu nous annoncer que "tout allait bien", je vois encore le visage plein de larmes de Chéri qui broie ma main dans la sienne, il me dit qu'il m'aime, qu'il m'admire, que j'ai été forte, exceptionnelle, il me broie la main, nous sommes seuls, la terre entière nous a quittés, nous sommes parents. Ensuite, l'immense couveuse qu'on nous a apportée, A. minuscule dedans, si petite, si maigre, deux kilogrammes à peine, elle a des fils autour des chevilles, de toutes les couleurs, une vitre nous sépare, elle dort, un bonnet mille fois trop grand sur la tête. Tout est si petit, si petit. Miniature, encore plus miniature que les bébés à terme que je prenais déjà pour miniatures. Je ne sais pas si A. est belle, je n'en sais rien du tout, je sais juste que c'est elle, que je la vois enfin, je ne pense pas à l'après, cet après que je n'imagine pas, que je ne peux pas imaginer, comment l'aurais-je pu, c'est inconcevable, un jour on fait un test de grossesse, on rêve à ce jour miraculeux où l'on bercera Bébé contre soi, les fleurs des visiteurs à la maternité, le jeu des ressemblances, le retour à la maison quatre jours plus tard, comme toutes les mamans, comme n'importe quelle autre maman.

Non, vraiment, comment aurais-ju pu imaginer ce que c'est qu'un bébé d'un kilo neuf cent grammes, la peau sur les os, qui hurle, qui hurle, qui n'était pas prêt, tout comme moi sa maman, comment aurais-je pu imaginer un bébé avec un tuyau dans le nez, dans la bouche, un bébé branché de partout qui m'inspire la peur, la terreur, et non le débordement d'amour, d'émerveillement que je m'étais mis en tête ? Elle a été catapultée dans un monde qui n'était pas le sien, on lui a forcé la main, on l'a obligée à venir, c'était trop tôt, elle le hurle, c'est très tôt, elle a hurlé sa terreur, n'a fait que ça, pendant des jours, s'arrachait les joues, les yeux, elle ne reconnaissait rien, ça ne correspondait pas, sortez-moi de là, A. c'était moi, moi c'était elle, j'étais terrorisée, elle était terrorisée, rien ne correspondait je te dis, rien.

Partager cet article
Repost0
23 mai 2012 3 23 /05 /mai /2012 22:06

C'est la balance de la pédiatre qui affiche 3,230 kg. C'est ma fille toute nue dessus qui pleure d'avoir froid. C'est moi, qui pleure aussi. C'est Chéri qui a les yeux qui brillent, qui me sourit, me prend la main, la serre fort. Il a fallu un mois et demi pour voir s'afficher ce 3 avant la virgule. Un mois et demi. C'est la sensation, fugace, qu'A. devient comme toutes les autres petites filles, sans scop, sans fil, sans sonde, sans branchements, sans seringue, sans oxygène, sans lit chauffant. C'est la voix, timide et minuscule, qui me souffle "Allez, maintenant, le pire est vraiment derrière vous.".

Partager cet article
Repost0
30 avril 2012 1 30 /04 /avril /2012 18:02

Mon cher Victor,

 

Ahhhh ! Mirabelle, mon dieu ! Mais... Que vois-je ? Oh, mon dieu ! Oh, mon dieu ! Oui, Victor, oui. Tu n'as pas la berlue, je t'assure ! Mais... Comment cela est-il possible ? Eh bien ce sont des choses qui arrivent, mon Victor, voilà tout... Ca, par exemple ! Me voilà fort surpris, je ne m'attendais pas à une telle découverte ! Décidemment, tu n'aimes rien faire comme tout le monde, ma petite Mirabelle, tu m'étonneras toujours !! Tu m'en vois ravie ! Mais... Quand cela est-il arrivé ? Il y a déjà un certain temps : trois semaines, à vrai dire ! Oh la la, mais c'était beaucoup trop tôt, beaucoup trop tôt ! Certes. D'ailleurs, il faudra que je te raconte tout ça... Oh la la... Remets-toi, mon Victor, pense à ton coeur... Ne me dis pas qu'il y a eu des problèmes ? Tu mets tout de même trois semaines pour me parler d'un évènement majeur tel que celui-ci, j'ai donc plusieurs craintes : soit cela s'est mal passé et Seigneur, je regrette de ne pas avoir été présent pour te tenir la main ; soit, et je le prendrais très mal, tu n'as simplement pas jugé nécessaire de prévenir ton vieil écrivain préféré !

Eh bien pour répondre à ta question, ces trois semaines n'ont pas été une partie de plaisir, loin de là. Cela n'a donc rien à voir avec notre amitié. Rassuré ? Moui. Quoi que d'un autre côté, je suis désolé pour toi ! Allons, raconte-moi tout...

Tout a commencé le vendredi 6 avril...

Partager cet article
Repost0