Mon cher Victor,
Avant toute chose, je tenais à... Minute papillon ! Ton cher Victor, lui aussi, a quelques petites choses à te dire ! J'ai lu le commentaire de cette Lisa (serait-ce elle la fameuse petite soeur, comme j'ai cru le comprendre ?) sur ton article "Madame Bovary, c'est moi". Et entre parenthèses, vraiment, te comparer à Madame Bovary, tu te fiches un peu du monde, je n'ai pas osé te le dire hier, mais enfin... Et donc, elle dit des choses, qui, me semble-t-il, ne collent pas tout à fait avec le personnage auquel tu tentes de t'identifier. Parce que, quand même, cette Lisa, qui, manifestement, te connaît bien, te dit : "si tu prenais la peine de regarder autour de toi tu verrais que les relations réelles sont certes tumultueuses et douloureuses, mais aussi riches de sens.". Alors qu'est ce que ça veut dire ? Ne serait-ce pas une allusion déguisée à ce que tu as vécu avec ce garçon ?? Ouh la... Je constate que notre discussion prend une tournure toute autre que celle que j'imaginais, une tournure, qui, je le précise, me trouble quelque peu. Arrête avec tes grandes phrases, et raconte-moi exactement ce qui se passe avec ce garçon !
Ce qui se passe avec ce garçon ? Tu as du temps devant toi, Victor ? Oui, je pense bien : j'ai l'éternité ! Tant mieux. Parce qu'avec ce sujet, nous entrons véritablement dans toute la complexité de mon existence, et quelques phrases ne viendront pas à bout des sempiternelles contradictions qui en découlent...
Il était une fois une jeune fille, Mirabelle, qui attendait de rencontrer le prince charmant, SON prince charmant : un grand brun aux yeux noisette, le teint mat, qui l'emmenerait sur son cheval blanc et lui parlerait littérature, arts et philosophie jusqu'à la fin des temps. Cette pauvre Mirabelle, jusqu'ici blottie au creux de son petit nuage rose bonbon, confortable certes, mais où, visiblement, il n'y avait pas de place pour deux, s'écrasait violemment sur le dur plancher des vaches sitôt que la réalité de la vie tentait de la surprendre : les amoureux transis arrivaient en Super Cinq pétaradante ou juraient comme des charretiers, confondaient Jacques Brel et Francis Cabrel, et disaient "avoir abandonné la philosophie depuis la Terminale". Autant dire tout de suite qu'elle préférait rester seule dans sa chambre d'enfant, à écouter en boucle ses chansons d'amour à l'eau de rose !
Et puis, un beau jour d'Août, froid et brumeux comme on en fait seulement en Normandie, il est arrivé. Elle n'a vu que son crâne dégarni et cette mèche blonde, là, qui lui tombait sur le front. Elle s'était dit que, vraiment, le pauvre n'était pas gâté... Et n'avait pas remarqué ce sourire lumineux, ces yeux d'un bleu profond, cette petite cicatrice adorable, là, sur le menton.
Et pourtant...